La confiance règne !

Désormais, quand Europe 1 annonce des morts, la presse se méfie ! Après la bourde de la station sur le décès, démenti plus tard, de l’animateur télé Pascal Sevran, l’Agence France Presse a rechigné à « reprendre » le scoop qu’Europe 1 détenait hier à propos de la mort au Tchad de Pascal Marlinge, chargé de mission de l’association humanitaire Save the Children. Europe 1 le savait dès 15h, grâce à un contact humanitaire proche de la rédaction, l’annonçait à 17h à l’antenne, après recoupement de l’information. L’AFP a attendu 17h30 pour publier la dépêche, avec comme source un communiqué officiel de Bernard Koucher, ministre des Affaires étrangères, et non Europe 1.

Réaction des journalistes de la station, mi-amers, mi-amusés, à la lecture du fil AFP : « Maintenant, avant qu’on nous cite, il va faire chaud !« .

Des jeunes gens bien sous tous rapports

Chouette ! La semaine politique se réveille à Europe 1 ce jeudi 1er mai à l’occasion du traditionnel défilé du Front National à Paris et du discours de son chef, Jean-Marie Le Pen. Me voilà donc chargé par la rédac’ de recueillir les propos de jeunes militants et sympathisants frontistes sur les perspectives d’avenir du FN, suite aux propos controversés réitérés de Jean-Marie Le Pen sur le « détail » des chambres à gaz (interview vendredi dernier dans le magazine « Bretons » qui s’offre là un joli coup de pub). On m’avait averti des possibles dérapages violents de manifestants à l’encontre des journalistes. L’an dernier, une consoeur de la station s’était fait violemment bousculer dans le cortège. Prudence et vigilance, donc !

Pourtant, je n’ai eu aucun mal à approcher les jeunes militants. Bien sûr, il y avait des crânes rasés au regard repoussant. Des refus catégoriques de s’exprimer au micro d’un reporter. Mais ce qui m’a frappé c’est au contraire la « normalité » de l’immense majorité des jeunes qui m’ont parlé. Des gens élégants, souriants et polis. Violents dans leurs convictions voire dans leur propos (« deux ans sur des milliers d’années, oui j’appelle ça un détail de l’histoire« , entendu à propos des chambres à gaz) mais très calmes dans la discussion. Et loin d’être cons. Oui, en apparence, ils auraient pu être mes potes. Voire des flirts. Jolies filles, beaux garçons, bourrés de charme.

Au fond, c’est peut-être ça, le plus triste dans ce cortège du 1er mai. Comment ces jeunes gens à l’apparence fréquentable ont pu perdre toute espérance pour trouver refuge dans les valeurs de haine pronées par le Front national ? On le sait, c’est quand il devient banal que le mal est le plus dangereux. Car il est facile de tomber dans le panneau en donnant à ces jeunes gens le bon Dieu sans confession.

Au zoo de Vincennes, euh… à l’Assemblée nationale

C’est l’exercice obligé du mardi après-midi pour le service politique de toute rédaction consciencieuse : la séance des questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale. Bien que le déplacement prenne l’allure d’une corvée pour le journaliste d’Europe 1 que je suis invité à suivre ce jour-là, j’étais très excité à l’idée de fouler la fameuse salle des 4 colonnes où la presse rencontre l’amusante faune des parlementaires.

2 colonnes sur 4, c’est déjà pas mal

Faune, oui, c’est l’impression que donne l’observation de l’hémicycle depuis les hauteurs des tribunes de presse que j’ai empruntées. L’arrivée du président de l’Assemblée a beau s’accompagner des roulements de tambours et des saluts des gardes républicains, à l’intérieur, point de politesse et d’élégance parmi les députés. Ca se lance des noms d’oiseaux (combien de « Ta gueule ! » lâchés en 1h30 ?), ça siffle, ça applaudit aussi, mais d’applaudissements frénétiques, destinés à soutenir son poulain et intimider l’adversaire. Contrairement aux images à la télé où on croit voir un ministre répondre à une assemblée relativement attentive, un brouhaha persistant vient polluer les débats. Et que dire des va-et-vient incessants des parlementaires (Jean Tiberi qui arrive très en retard, s’asseoit à côté de Dominique Perben qui en profite pour se décaler, alors que Jean-François Copé sort passer un coup de fil), des mots échangés au voisin, des pages politiques du « Monde » grandes ouvertes sur les tablettes, des SMS rédigés… On savait les représentants de la nation indisciplinés, mais le spectacle reste surprenant !…

Dans ce zoo politique, un débat parvient à capter un peu plus l’attention, le RSA, revenu de solidarité active, que Laurent Fabius, malin comme un singe, transforme ironiquement en « revenu de solidarité absente » aux oreilles du Haut Commissaire Martin Hirsch, qui excelle à défendre son bébé. Echange musclé entre le gouvernement et l’opposition socialiste, le premier se vantant de mettre enfin en place le RSA quand la gauche n’en fait qu’un « sujet de colloque », la seconde s’interrogeant sur le coût (prononcé avec coquetterie « coûte » par Laurent Fabius) et accusant l’exécutif de vouloir couper dans la prime pour l’emploi (PPE) pour financer le RSA, en gros de « déshabiller Pierre pour habiller Paul » selon le mot d’Arnaud Montebourg, animal politique en parade.

Enfin, pas de quoi fouetter un chat, la routine quoi, d’ailleurs les médias plient bagage avec la mine de ceux qui rentrent, un mardi de plus, bredouilles du safari

fais pas la tronche, ça viendra…

Europe 1 au bord de la crise de nerfs

Ca continue de gronder à Europe 1 ! Après l’affaire Pascal Sevran, le site lnternet du journal « Le Point » (lepoint.fr) révèle la nouvelle « vindicte » des journalistes de la station après que leur patron, Jean-Pierre Elkabbach, a imposé à la rédaction une interview « exclusive » de Christian Poncelet, en direct de Pékin jeudi 24 avril dans le journal de 13h. Le président du Sénat y était en effet envoyé par l’Elysée pour faire part au président chinois Hu Jintao du message de Nicolas Sarkozy destiné à réchauffer les relations France/Chine après le fiasco du passage de la flamme olympique à Paris et les manifestations anti-françaises dans plusieurs villes chinoises. L’interview, qui dure plus de trois minutes (un tunnel rarissime dans le format très court du journal), a été analysée par de nombreux journalistes comme une tribune complaisante offerte à Christian Poncelet, qui se trouve par ailleurs être l’employeur de Jean-Pierre Elkabbach sur Public Sénat. Son mandat à la tête de la chaîne arrivant en effet à terme à la fin de l’année, des voix s’élèvent pour dénoncer la confusion des intérêts du patron d’Europe 1.

Jean-Pierre Elkabbach s’en défend sur lepoint.fr, affirmant que l’info ce jour-là c’était sans conteste la rencontre entre Christian Poncelet et Hu Jintao. D’ailleurs, explique-t-il, « ses propos ont ensuite fait le tour du monde comme premier signe d’ouverture de la Chine« . Avant d’asséner cette leçon de journalisme à sa rédaction : « Refuser un tel entretien ou s’en plaindre serait une faute et une méconnaissance de la Chine, de la géopolitique à un moment crucial. Je ne veux pas croire que des professionnels puissent la refuser. S’il s’agit de vindicte, elle aveugle, elle rend sourd et elle fausse le jugement. C’est à Pékin que s’est écrit, ce jour-là, l’Histoire« .

Pourtant, à l’écoute, il est permis de douter de l’intérêt journalistique de l’interview. Christian Poncelet n’y dévoile pas le contenu du message de Nicolas Sarkozy à Hu Jintao, qualifié de « personnel« . A la question du journaliste sur l’éventuelle non participation du président français à la cérémonie d’ouverture des JO à Pékin, Christian Poncelet affirme que le sujet n’a pas été abordé. Enfin, il termine avec une formule convenue sur le rôle du sport pour rassembler l’effort des deux parties, française et chinoise. Merci Christian !

En attendant, il n’y a eu presque aucune reprise de l’interview par les médias français, relativisant « l’info exclusive » défendue par Jean-Pierre Elkabbach, et à Europe 1, on grince des dents…

Une semaine de scoops à Europe 1

Enfin de retour sur mon blog, après plus de deux mois d’absence, ok aucune excuse, ça ne va pas du tout, il va falloir que je me discipline… Le stage d’observation d’une semaine que je m’apprête à suivre à Europe 1 me donne l’occasion de reprendre les affaires ! Oui, je profite de ma semaine de vacances pour aller squatter le service politique de la radio de la rue François 1er, dans le 8ème à Paris, du 28 avril au 2 mai.

J’ai bien choisi le moment : la tension est au plus haut entre les journalistes et le patron de la station, Jean-Pierre Elkabbach, après que celui-ci a fait annoncer, par erreur, la mort de l’animateur de télé Pascal Sevran, lundi 21 avril à 19h. Ce matin, lors de notre conférence de rédaction quotidienne à Sciences Po, Nicolas Beytout, le fringant ex-patron du Figaro, estimait qu’il s’agissait là d’une « faute professionnelle grave« . D’autant plus incompréhensible que, l’info fût-elle exacte, il n’y avait vraiment pas de quoi se précipiter pour être le premier à lâcher un tel « scoop »..

Jean-Pierre Elkabbach a lui-même reconnu dès mardi « la première grande faute de (sa) carrière« . Avec cette petite nuance : « J’assume personnellement une erreur collective« , qui n’a pas été du goût des journalistes de la station. Ceux-ci, par le biais d’un communiqué de la Société des rédacteurs (SDR), n’ont pas tardé à réagir : « Il apparaît que la responsabilité de Jean-Pierre Elkabbach est directement engagée dans cette annonce erronée. Il apparaît que lui seul a été le donneur d’ordre. Il a transmis l’information et ordonné qu’on la diffuse« .

Ironie de l’histoire : Jean-Pierre Elkabbach avait annoncé le 11 avril dans La Croix la création d’un comité d’éthique à Europe 1. Pour quoi faire ? « la part du vrai et du faux, de l’annonce et du ragot, du savoir et de l’opinion« . Vivement la réunion du comité, donc !

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Jean-Pierre Elkabbach, patron d’Europe 1 (source : nouvelobs.com)

En attendant, je suis passé cet après-midi faire un tour de la rédaction d’Europe 1, dirigée par Benoît Duquesne, qui présente par ailleurs « Compléments d’enquête » sur France 2. Les journalistes paraissent jeunes, la mine accueillante, les locaux sont agréables, bref j’ai hâte de commencer lundi. Il faut dire que j’ai un parrain de choc : Karim Rissouli, journaliste politique d’Europe (ne pas prononcer le « 1 » pour avoir l’air dans le coup) qui a été un super prof de radio à Sciences Po.. Et par ailleurs membre très actif de… la SDR !